Génération-Joseph-Ki-Zerbo

Hommage 2010 au Pr. Joseph KI-ZERBO Au nom d’un devoir hautement moral et intellectuel


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Qui sommes-nous ? Qui voulons-nous être ? Questions existentielles et questions essentielles. Dès sa naissance, les pas de chaque homme sont gouvernés par sa famille et la société. Dans la mesure du possible, ses comportements, son identité, son devenir et son avenir essaient de suivre le sillon de la perfection. Lentement pour certains, rapidement pour d’autres. Avec une hésitation auréolée de vices pour certains, avec une assurance s’abreuvant d’humilité, d’abnégation et de vertus pour d’autres. Certains visent comme finalité d’aller se faire ceindre le diadème, par tous les moyens. D’autres, par contre, sont là pour balayer le chemin afin que la marche de leurs semblables soit facile. Il est des hommes qui, corrompus par le souffle de la gloire et du pouvoir, travestissent l’intégrité et amassent les richesses qui se fanent comme des fleurs diurnes à la tombée du soleil. Il est, fort heureusement, des hommes aussi, ne serait-ce que quatre pelés et un tondu, qui cherchent les richesses incorruptibles et inoxydables. Il appert de toute façon que tel Icare avec ses ailes de cire, l’homme ne peut atteindre le soleil de la perfection, de l’ « irréprochabilité ». Là, d’ailleurs, ne se situe pas la quintessence de notre propos. Il s’agit moins de la perfection comme état que de celle comme visée. La première est impossible à conjuguer avec notre nature et même Prométhée ne pourrait nous faire ce don. La seconde, elle, suscite une réflexion sans cesse remise en cause dans la mesure où les inquiétudes, les ignorances, les incapacités et les défis majeurs, non sans ralentir souvent l’élan des plus fougueux, peuvent obstruer la moindre ouverture réussie par la transpiration de la lutte.

L’homme apprend à se forger une valeur, un chemin et une personnalité. Il décrit, analyse et interprète le monde qui l’entoure. Il cherche des repères et en crée grâce aux valeurs auxquelles il s’identifie et se définit. Il s’oriente en fonction de l’objectif qu’il s’est assigné et du socle sur lequel il s’appuie. Cependant, l’essentiel de ce qu’on l’on doit savoir d’un homme réside dans deux importantes questions. La première est « Qui est-il ? ». La seconde, c’est « Qui veut-il être ? » A la connotation assez évocatrice, ces interrogations sont des bornes indicatives de notre identité et de notre engagement.

Qui sommes-nous ?

A tort ou à raison ? Le négro-africain est-il la sommation de l’ignorance, de l’incapacité à s’assumer, de l’impossibilité de projection vers l’avenir, du folklore, de la paresse intellectuelle, de la psychose du développement ? Les sociétés négro-africaines ont-elles été sécrétées par la « pré-histoire » ? N’ont-elles jamais rien apporté au rendez-vous de la mondialisation ?

Nous refusons de nous laisser distraire par des propos conçus dans le dessein de nous humilier. Nous refusons de participer à ce jeu où les règles du jeu sont connues après le jeu. Nous refusons de participer à ce débat dans lequel nos valeurs sont exclues, dans lequel les seules références viennent d’ailleurs.

Nous valons plus que cela. Et notre crédo, sans ambages quelconques, c’est de nous assumer dignement et de nous affirmer dans le respect de l’autre. Pour nous, le leitmotiv laissé par nos devanciers, c’est de vivre et d’assumer la culture africaine dans toutes ses dimensions : de la praxis quotidienne, de la relation avec nous-mêmes et avec les autres, de la réflexion, de l’éducation et du travail. Sans être africains, nous le sommes pourtant. En étant nous-mêmes, nous sommes, il faut aussi le reconnaître, l’autre. Et nous ne sommes pas contre. Seulement, nous voulons que l’autre accepte que nous sommes différents de lui mais également unis à lui. Nous sommes africains, sans paraître chauvinistes, nous sommes aussi citoyens du monde, sans pour autant constituer des objets pour la décoration des cases de ce village planétaire dont on vante tant les mérites en utilisant des critères localement universels. Sur les sommets des montagnes de nos cultures et de nos identités, nous voyons la diversité et la richesse du monde. Mais nos vallées communiquent tant que nous remarquons, en réalité, que c’est nous qui pensons que nous sommes différents. Nous nous ressemblons, tant nous nous assemblons. Mais cela ne fait ni de nous l’autre ni de l’autre nous. Car chacun est ce qu’il est de toute façon. Même si cela ne doit pas l’amener à s’éloigner de l’autre, étant donné que c’est face à l’autre que ce qu’il est trouve toute son importance. Au regard de tout cela, nous sommes alors nous-mêmes, le meilleur venant de nous et le meilleur venant de l’autre. C’est ce que nous sommes. Voici qui nous sommes.

Qui voulons-nous être ?

Loin de nous l’idée de nous enfermer dans une tour d’ivoire inexpugnable, encore loin de nous l’idée de ne prendre en considération aucune poignée de main sincère et dépourvue de tout regard de larbinisme, toujours loin de nous l’idée de nous laisser entraîner par des vagues culturelles furieuses et indomptables. Point n’est besoin de dire alors que nous rêvons de ce monde où toutes les cultures arrivent à poser, sans s’opposer, les pré-conditions et les principes d’une néo-culture. Nous sommes conscients de la lutte à faire nôtre mais nous sommes convaincus que toute lutte pour la liberté est en elle-même une liberté. « Chaque génération à des pyramides à bâtir » disait le Pr. Joseph Ki-Zerbo. Les nôtres, même si elles n’ont pas été toutes bâties, certaines le sont, nous osons le croire. Pour nous, à chaque pas posé, hic et nunc, nous devons être une valeur ajoutée pour le développement endogène africain et pour un monde fondé sur de bons rapports.

Africa fara da se (l’Afrique se fera par elle-même, en italien). Cela est une nécessité et un défi de la jeunesse africaine même si selon le Pr. Ki-Zerbo, le passé de cette jeunesse est aveugle parce qu’elle l’ignore, son présent muet parce qu’on ne lui parle pas de ce qu’elle doit faire pour devenir leader et son avenir sourd parce qu’elle ne voit pas derrière le brouillard qui s’est constitué, derrière les incapacités structurelles que nos dirigeants n’arrivent pas à dénouer. En effet, on peut dire que le présent du continent est un témoin à charge contre lui dans le procès de son avenir. De même, dès l’aurore des indépendances, de grands défis se sont toujours posés au continent, portant sur son unité, son développement, son identité, son éducation, la mondialisation, la question de la femme et de la jeunesse. Malgré des lacunes que le Pr. Joseph Ki-Zerbo qualifie d’historiques et non consubstantielles à l’Africain, la société traditionnelle africaine était une société créatrice, solidaire et une démocratie vivante. La société actuelle, quant à elle, estime t-il, est en crise, car dit-on, « l’Africain a les pieds dans le néolithique et la tête dans le thermonucléaire ». Cette position inconfortable ne favorisant pas la maîtrise de soi génératrice d’œuvres authentiques conduit à envisager des perspectives, d’où la néo-culture de demain qui doit s’ouvrir au monde, tout en amenant les Africains à compter sur eux-mêmes, à éviter de se recueillir sur le passé et à éviter la diversion économique et technocratique.

Malgré des obstacles géants qui ont taché les pages de son passé, des épreuves majeures et des erreurs tragiques, les pas de l’Afrique ne sont point gouvernés par le fatalisme. C’est pourquoi depuis plusieurs décennies, des fils d’Afrique, en l’occurrence, Kwame N’Krumah, Patrice Lumumba, Joseph Ki-Zerbo, Cheick Anta Diop, pour ne citer que ceux-là, ont entamé une course de relais en tenant vive la flamme de la lutte afin d’éveiller les consciences, d’arrêter la débâcle de la conscience nègre et de parvenir à la Renaissance africaine. Le témoin dans cette course de relais a été passé aux générations actuelles. En toute logique, la Génération Joseph KI-ZERBO, qui a fait de ce baobab intellectuel aux racines transdisciplinaires son mentor, est concernée. Les intellectuels, également, y jouent un rôle privilégié. Ils doivent se lier à la masse, s’y immerger et promouvoir l’africanisation de l’enseignement. Pour commencer le pèlerinage de la néo-culture, il importe aussi de connaître ce que sont la culture et l’identité. La culture est, selon le Pr. Joseph Ki-Zerbo, « la vie créatrice du peuple, qui transforme le milieu naturel et social. Elle englobe aussi bien les aspects les plus prosaïques de l’existence (outils et méthodes agraires) que les éléments les plus subtils comme le droit de propriété, la façon de sourire, la manière de célébrer l’amour et la mort ». C’est à partir de cette définition qu’il a relevé les cinq problèmes réels de la culture africaine qui sont : la diversité dans et pour l’unité, la création d’une culture populaire, la transmission de la culture aux générations montantes par un système éducatif remodelé, la modernisation dans l’authenticité et la liaison avec la culture universelle. Pour ce qui concerne l’identité culturelle, elle n’est pas selon lui un fossile ou statique qui relèverait de l’archéologie sociale. Elle n’est pas non plus un concept purement juridique, administratif, voire philosophique ou politique désignant un groupe d’hommes situé dans un espace déterminé et se référant à leur ethnie. Cette identité, toujours, n’est pas exogène à l’individu. Elle est plutôt à la fois un processus temporel et spatial.

Le Pr. Joseph Ki-Zerbo reconnaissait que la jeunesse c’est l’espérance et l’optimisme. Nous sommes cette jeunesse qui croit en son avenir et qui se donne les moyens nobles de construire sa vie. Nous voulons être cette jeunesse modèle, leader, ayant un esprit critique et non un esprit de critique. Nous ne laisserons, de ce fait, personne mépriser notre jeunesse. Historia magistra vitae (l’histoire est maîtresse de la vie), dit-on. Pour ce faire, nous voulons maîtriser notre histoire, questionner le passé pour faire répondre le présent afin de construire l’avenir. Nos racines, transdisciplinaires, veulent puiser leur sève  nourricière dans le limon de l’humilité, de la soif de connaître, de la remise en question, de la responsabilité et de l’intégrité. Certes, des vents impétueux souffleront et des déserts feront partie de notre itinéraire, mais en marchant avec les autres, nous marcherons loin.

Tels que tous, nous marchons, même si nous n’empruntons pas les mêmes chemins. Dans nos marches, nous faisons tous des choix, même si nous ne faisons pas les mêmes choix. Nous marchons tous, certains sans objectifs, mais nous avec des objectifs précis, incorruptibles, qui, pour nous sont nobles. De nos objectifs dépendent nos choix. Ces choix, dit-on, déterminent ce que nous serons, parce que les choix antérieurs influencent ce que nous serons demain. Mais nous allons au-delà du choix pour parler de l'engagement, de ce que nous visons, de notre marche quotidienne, car c'est l'engagement qui détermine les choix et les choix cultivent l'homme. Il est bien plus important de regarder qui nous sommes et qui nous voulons être pour penser nos choix, dans la mesure où nos choix ne sont pas créés ex-nihilo. C'est face aux circonstances et à nos objectifs que nos choix sont éprouvés. Nous voulons avoir toujours les yeux fixés vers de beaux horizons en comptant sur un appui indéfectible, et nos choix, quelles que soient les circonstances qui se présentent et malgré les difficultés majeures, les incertitudes et les inquiétudes, seront les leviers qui soulèveront notre personnalité. Nous voulons faire de nos circonstances des opportunités et peindre nos objectifs d’une bonne dose d’abnégation et de sacrifice à l’autel de l’histoire. Nous ne voulons point trahir notre vocation, le but pour lequel nous avons été appelés. Fermes, nous le resterons. Inébranlables, nous aspirons à être des phares pour les futures générations.

Tous s’engagent, de façon extensible, d’une manière ou d’une autre. Nous nous engageons aussi. Mais d’une seule manière. Au nom d’un devoir hautement moral et intellectuel.



La Commission scientifique
generation.jkizerbo@yahoo.fr



11/01/2013
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